Lecture d’été : « Histoire et archéologie de la bière »

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Un livre qui parle de bière dans ta besace de vacances entre le dernier Marc Lévy et 50 Nuances de Grey.

 

Le livre de l’été s’appelle Histoire et archéologie de la bière (et principalement de la bière de Strasbourg). Ouf ! L’auteur est un certain Ferdinand Reiber, érudit alsacien qui livre cet ouvrage en 1882. Ne fuyez pas tout de suite. Ce livre est une référence incontournable pour la première fois rééditée par une maison alsacienne, les éditions DEGORCE. Sachez que les exemplaires originaux s’arrachent à plusieurs centaines d’euros.

Pourquoi cet enthousiasme ? Parce que c’est chouettement écrit. Alors que la littérature française se pignole sur la vide abyssal de l’existence de CSP + parisiens, voilà un bouquin drôle et ultra informatif qui fait facilement oublier son âge vénérable. Reiber nous dresse un portrait plutôt bien troussé de la bière à travers les âges, très bien mis en scène, et souvent beaucoup mieux que les auteurs qui lui ont succédé. (Y compris celui de La bière c’est pas sorcier.)

L’intérêt principal est de figurer la place de la bière en Alsace, et à Strasbourg en particulier à travers de bonnes références et mises en situation concrète.  Au-delà d’un étalage de dates, Reiber fait de l’école des Annales avant l’heure en mettant la bière en perspective avec le vin, en adoptant le point de vue simultané du consommateur, du brasseur et des autorités encadrantes. C’est riche, touffu, et ça dépasse largement les clichés souvent répétés à foison.

L’époque est un peu sensible. En 1882, l’Alsace a été annexée depuis 11 ans à l’empire allemand, Reiber lui-même s’est réfugié à Nancy, et ne se prive pas de quelques vacheries à l’égard du voisin teuton dont il se plait à mettre en scène l’ivrognerie congénitale, sans grande méchanceté par ailleurs.

Cette deuxième partie du XIXe est aussi celle de l’industrialisation et de la modernisation de la bière. Pour Reiber comme tous ses contemporains d’ailleurs, c’est avant tout un gage de qualité, avec l’assurance de produits standardisés et exempts d’infection. (C’était bien avant l’ère de la pasteurisation systématique qui réduit toute intensité aromatique.)

Le propos est d’une grande modernité, se lit très agréablement. C’est assez bien servi par la réédition qui ajoute quelques précisions et illustrations. Bref, c’est clairement un livre d’amateur mais qui mérite amplement une lecture.