La Cophoudal : du houblon bien de chez nous

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 Attention : ce sujet a été réalisé entièrement par téléphone et internet, sans aucune garantie d’objectivité et de recherche contradictoire. Il a donné lieu à la promesse d’envoi d’un échantillon de houblon Barberouge.

Au cours des dégustations que j’organise ici, , et aussi, j’ai toujours plaisir à parler du houblon, de ses sympathiques effets sédatifs, de ses arômes, mais je regrette parfois de n’avoir à montrer que des pellets, c’est-à-dire des granulés de houblon séché et compressé. A la différence du vigneron, le brasseur, pro ou amateur, manipule des matières premières produites et transformées loin de chez lui.

Houblon sur pied

Revenons à la plante et à sa culture, car pour paraphraser le maréchal, « la terre, elle, ne ment pas » (J’aime beaucoup cette phrase dont je fais usage à tout propos). N’ayant pas le loisir, comme les gars de Deck et Donohue, de me déplacer, j’ai passé un coup de fil à la Cophoudal, la coopérative des producteurs de houblons d’Alsace, où Erwin Sohn, responsable commercial pour les micro-brasseries, a bien voulu me répondre.

La Cophoudal, c’est aujourd’hui 58 producteurs, pour 425 hectares et 715 tonnes produites à l’année, et 12 variétés cultivées. La récolte des cônes de houblon s’est terminée fin septembre.

La bonne santé du secteur alsacien a longtemps reposé sur le succès de son produit phare, le Strisselspalt. Un houblon léger en amertume dont la renommée tient à son profil aromatique floral, fruité, épicé qui s’illustre parfaitement sur l’Orval, (également sur la 1664).

Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu’en 2008 où le géant mondial Anheuser Bush fusionne avec le groupe In Bev. Le premier, qui produisait la célèbre Bud avec du Strisselspalt, a renoncé à son approvisionnement alsacien, laissant la moitié des houblonnières locales en friche.

Pour la Cophoudal, les conditions de la survie passent par une nouvelle stratégie, à commencer par la recherche de nouveaux clients. Un vivier à creuser pour Erwin Sohn. « Ça peut sembler curieux, nous sommes le principal producteur de houblon français, beaucoup de brasseurs ignorent pourtant notre existence. » C’est un des paradoxes du renouveau de la brasserie. D’un côté, les brasseurs se réapproprient une méthode ancestrale du brassage, renouent avec des goûts authentiques. De l’autre, ces méthodes nous revenant souvent via les Etats-Unis, l’approvisionnement en houblon suit le même chemin et les IPA françaises doivent souvent plus à la Yakima valley qu’à la vallée du Rhin.

Pour s’imposer sur ce marché mondialisé, la Cophoudal suit donc le mouvement en cultivant d’une part les variétés américaines recherchées, comme le Cascade ou le Colombus, qui se sont bien acclimatées, et surtout en développant de nouvelles gammes de houblons aromatiques. Le chemin est long, il faut 10 ans pour développer une variété stable qui garde les mêmes qualités d’une année sur l’autre, et résiste à la maladie. « Toutes les variétés sont développés à partir d’un pied femelle de Strisselspalt . » La condition pour bien exprimer le terroir alsacien. Car l’expérience montre, à l’exemple des cépages de vigne, que les variétés s’expriment différemment selon la zone de production.

En 2012, la Cophoudal propose à la commercialisation 3 variétés : Aramis, Bouclier et Triskel. Des houblons polyvalents, combinant un taux d’acide alpha respectable (pour l’amertume) et un profil aromatique « alsacien » marqué. Un atout non négligeable, car si le Strisselspalt a des qualités indéniables, son profil reste néanmoins discret et peut passer inaperçu pour le dégustateur novice.

Le plan de recherche variétal se poursuit avec, dans un proche avenir, des variétés aux goûts plus étonnants encore. Depuis plusieurs mois, les forums de brassage amateur bruissent de rumeurs et témoignages sur la variété expérimentale « 9-2 » qui a finalement gagné le nom de code Barberouge. « Un parfum de sorbet aux fraises et noyau de cerises » promet Erwin Sohn. Il faudra attendre la fin des tests de culture pour une prochaine commercialisation. L’objectif de la Cophoudal est de sortir une nouvelle variété commerciale tous les deux ans.

J’attends donc avec impatience de pouvoir réaliser des IPA à saveur fruitée, ce genre de bière qui fait dire aux novices « mais qu’est-ce qu’ils ont rajouté ? » tout en contribuant au redressement économique de la France et du secteur houblonnier alsacien.